L’utilisation d’internet par les salariés : quels risques pour les employeurs ?
Virus, fichier indésirable, diffamation, injure, perte de productivité… les risques induits par la navigation non maîtrisée sur internet sont potentiellement nombreux.
La navigation sur internet par les salariés peut faire peser sur le fonctionnement de l’entreprise des risques de nature technique, juridique, mais aussi économique.
Risques techniques
Premier danger : l’exposition à des virus ou à des fichiers indésirables susceptibles d’endommager les postes de travail de l’entreprise et le réseau qui leur est, éventuellement, associé. Bien sûr, ce risque n’est pas spécifique à l’usage privé d’internet par les salariés, mais cette utilisation est incontestablement un facteur susceptible de l’aggraver.
Pour y remédier, l’employeur doit alors généralement faire appel à des outils de contrôle des messageries électroniques et des connexions internet. Grâce à ces outils, un administrateur réseau ou, plus généralement, un informaticien doit pouvoir prendre connaissance des données de connexion et identifier les situations potentiellement dangereuses nécessitant une politique de sécurité particulière (logiciels « pare-feu », anti-virus, filtrage de sites non autorisés, etc.).
Risques juridiques
L’utilisation à titre personnel des moyens informatiques de l’entreprise peut également avoir des répercussions juridiques sur l’employeur. Ainsi, en créant ou en alimentant un blog ou un site Internet, en participant à un réseau social ou un forum de discussion, un salarié peut éventuellement injurier ou diffamer des individus enclins, en retour, à assigner son employeur en justice.
En effet, le Code civil (article 1384, alinéa 5) prévoit que les commettants peuvent être reconnus responsables du dommage causé par leurs préposés dans l’exercice de leurs fonctions.
Une règle que la Cour de cassation interprète d’ailleurs de manière extensive considérant que, dès lors qu’un employeur fournit à un salarié les moyens de commettre un dommage, ce dernier est réputé avoir agi dans l’exercice de ses fonctions (Cassation civile 2e ch., 19 juin 2003, n° 00-22626).
La mise en cause d’un employeur par le biais des activités internet de ses salariés, même à des fins privées, est donc tout à fait envisageable, comme le prouve un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 13 mars 2006. Par cette décision, les magistrats ont en effet retenu la responsabilité civile d’une société de télécommunication vis-à-vis d’une entreprise autoroutière en raison des critiques injurieuses proférées sur internet par un de ses salariés.
Risques économiques
Avec la généralisation de l’accès haut débit à Internet, difficile de nier que les salariés peuvent s’adonner à un nombre d’activités personnelles nettement plus diverses et intéressantes que lorsqu’elles ne disposaient encore seulement que d’un téléphone et d’un minitel. Toutefois, peut-on réellement affirmer que la productivité gagnée par l’usage professionnel des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) se réduit à mesure que les salariés peuvent utiliser internet à des fins privées ? Difficile à établir avec certitude. Pour l’heure, notons que rares sont les entreprises qui interdisent tout usage personnel d’internet à leurs salariés, autrement que pour des raisons de sécurité (interdiction concernant certains personnels de grandes banques, par exemple).
Une telle prohibition qui entrerait d’ailleurs en contradiction avec le principe énoncé par le Code du travail selon lequel toute restriction aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives doit être proportionnée au but recherché.
Illustration : la Cour d’appel de Bordeaux a ainsi invalidé, le 15 janvier 2013, le licenciement d’une salariée employée à temps partiel (30 heures par semaine) à qui son employeur reprochait d’avoir utilisé internet pour des besoins personnels à raison d’un peu plus d’une heure par semaine, et ce en méconnaissance du règlement intérieur qui prévoyait que « tout usage ou consultation de sites internet sans rapport avec l’exercice professionnel pourra entraîner des sanctions disciplinaires ».
Le plus sûr est donc de permettre aux salariés de faire un usage raisonnable d’internet au bureau, à l’instar de ce qui existe déjà le plus souvent à propos de l’utilisation personnelle du téléphone au bureau. Cet usage raisonnable pourra alors être consigné dans une charte spécifique ou par une adjonction au règlement intérieur.